Les Dentelles du Cygne

Les Dentelles du Cygne … Tout est dans le nom ! Les anglo-saxons l’appellent parfois le Voile de la Mariée… Oui, on est ici dans le subtil, le fin, le léger. Le genre d’objet céleste que l’on imagine sans peine se dissimuler à notre regard. Une « fine cascade de lumière se jetant dans le vide de l’espace, glissant d’étoiles en étoiles », pour reprendre les mots de Kelvin McKready (qui savait faire parler les étoiles).

Un objet céleste aussi discret qu’étendu, qui s’étale dans le ciel d’été sur plusieurs diamètres de Pleine Lune ; clairement, les Dentelles ne s’offrent pas aux forts grossissements des très gros télescopes, mais se réservent aux amateurs de champs larges, aux amoureux de grands espaces.

Je me rappelle très bien de l’une de mes premières observations des Dentelles du Cygne, en 2005, depuis un coin de ciel noir perdu dans la campagne lozérienne. Parti avec une modeste lunette de 80mm, quelques oculaires, et un indispensable filtre UHC, je découvrais sans effort – mais un peu surpris quand même – les deux composantes de la nébuleuse.

La Grande Dentelle, photographiée depuis Reims en juin 2025.

La boucle la plus brillante, la Grande Dentelle, située plus à l’est, se détache sans aucune difficulté d’un fond de ciel particulièrement riche en étoiles.

Plus à l’ouest, la Petite Dentelle est moins brillante, et nécessite d’écarquiller un peu plus les yeux. Le fin pinceau de lumière semble traverser la brillante 52 Cygni, mais ne nous y trompons pas : l’étoile est en avant-plan, alors que la nébuleuse est située à plusieurs centaines d’années-lumière, loin, très loin derrière…

Le Triangle de Pickering, la Petite Dentelle et l’étoile 52 Cygni – Reims, juin 2025

Lors de cette observation estivale, j’avais été particulièrement surpris de découvrir le Triangle de Pickering (visible sur le haut, à gauche de l’image). Je pensais alors cette partie de la nébuleuse inaccessible dans un instrument aussi modeste que ma petite lunette !

Par la suite, j’ai souvent recroisé les Dentelles du Cygne, les croquant parfois de la pointe de mon crayon, ou plus simplement du coin de l’œil, essayant à chaque de saisir quelques détails supplémentaires ; quelques atomes d’élégance suspendues aux étoiles du ciel d’été !

Les images ont été réalisées depuis mon jardin de Reims, au Seestar S50. Chaque image représente environ une heure de pose.

2 juin 2025 – Auroruscule à Saint-Masmes

Il faut commencer par fixer le point de départ de notre histoire du soir : tout commence trois jours plus tôt, à 150 millions de kilomètres de Saint Masmes. A la surface du Soleil, pour être exact. Là, la région active AR4100, un magnifique groupe de taches solaires, connait une brusque poussée de fièvre : une éruption longue de plusieurs heures, qui envoie une grosse bouffée de particules chargées dans l’espace, droit vers la Terre. Une vraie tempête en approche !

La tempête est attendue pour le dimanche soir, mais arrivera finalement beaucoup plus tôt, dès la fin de matinée. Invisible pour nous, elle régalera néanmoins les observateurs nord-américains, placés aux premières loges pour assister au spectacle.

J’assiste donc à ce premier acte par écran interposé, et au gré des alertes, espère que le spectacle se prolongera encore un peu. Le dimanche soir, la météo n’est toutefois pas favorable. Je tente malgré tout une première sortie à Saint-Masmes … une sortie qui me verra scruter les rares bouts de ciel visibles entre les nuages, à la recherche d’un bout de lumière rosée.

Première sortie : retour bredouille.

Le lundi, les indicateurs sont encore bons, la tempête est toujours active, bien que de plus faible intensité. Une amélioration notable, toutefois : la météo a changé de couleur, et a troqué le gris pour le bleu. Me revoilà donc reparti à Saint-Masmes avec jumelles, Seestar et appareil-photo, et la volonté de voir des trucs dans le ciel.

Je suis accueilli par le chant des alouettes et par un joli quartier de Lune. Celui-ci sera ma seule compagnie pendant près d’une heure.

Nous sommes au début du mois de juin, et à l’approche de l’été, le crépuscule s’étire au point de laisser penser que la nuit n’arrivera jamais.

J’en profite pour réaliser quelques images d’ambiance crépusculaire. Les derniers nuages se dissipent, les étoiles apparaissent progressivement, malgré un ciel moyennement transparent. Pas de trace d’aurore sur mes images. Tant pis, je me contente de faire mon intéressant.

Le Seestar et moi-même avons alors le regard tourné vers le Triangle d’été. Je décide de tuer le temps en lançant une capture de Cr 399, l’amas du Cintre. Un travail de mosaïque qui occupera le Seestar pendant une bonne heure.

Cr 399, au Seestar, en mode « frame » – 40 minutes de pose au total

Dans le même temps, je suis l’évolution de la tempête. Les indicateurs ne sont pas mauvais, sauf un : la densité de particules reste très faible, insuffisante pour provoquer des aurores brillantes. Il y a bien une aurore, là, juste sous mes yeux, mais elle est invisible à l’oeil nu, et il faudra jouer sur les curseurs de mes logiciels de retouche pour réussir à faire ressortir une pâle lueur, sans structure remarquable.

Oui, sur la cette dernière image, on devine une tache rose qui n’était pas présente en début de soirée. Une aurore qui se fond dans le crépuscule, dont on pourrait croire qu’elle émane de la guirlande d’éoliennes situées au loin. Mais j’avoue ma triche : sans retouche d’image, l’aurore serait restée absolument invisible.

3 juin 2025