Automne 2025 – rendez-vous avec la comète Lemmon

Si je devais dresser aujourd’hui le bilan cométaire de plus de trente années d’observation du ciel, je constaterais que celui-ci est plutôt maigre. En remontant le fil de mes archives, je recense deux douzaines de comètes ; et celles qui ont laissé un souvenir précis dans ma mémoire se comptent sur les doigts d’une main. Comme Hyakutake, en 1996, Hale-Bopp l’année suivante, ou Neowise, en 2020. Ces trois comètes, dont la chevelure était visible à l’œil nu, étaient particulièrement spectaculaires. La comète Holmes, à l’automne 2007, avait également fait forte impression, mais davantage à cause de son aspect curieux – un sursaut d’éclat, de l’ordre de 14 (!!!) magnitudes lié à une jolie éjection radiale, qui lui donnait un aspect de boule de Noël avant l’heure. J’en avais réalisé quelques jolis dessins.

Je dois également mentionner la comète Ikeya-Zhang, passée pas loin de la Terre en 2002. A l’époque, je me souviens avoir pas mal bataillé avec mon réveil et des nuages insistants pour finalement réussir à la photographier.

La comète Lemmon, que j’ai observé quatre reprises en cet automne, appartient assurément à cette dernière catégorie – le genre d’objet céleste qui oblige à se lever à des heures peu raisonnables, et à affronter des conditions météorologiques délicates.

Mon histoire avec Lemmon commence le 1er octobre, de très bonne heure. A cet instant, Lemmon est encore loin – à environ une unité astronomique de la Terre et du Soleil – et se promène devant les étoiles de la constellation du Lynx. Le Lynx … Pas exactement la constellation la plus riche en objets célestes remarquables, d’ordinaire. Au début du mois d’octobre, le Lynx n’est visible qu’en deuxième partie de nuit. Pour m’inciter à régler mon réveil sur les 4h pour aller à la chasse au félin à moustaches, il faut donc trouver la motivation au-delà des objets célestes qui se cachent habituellement dans ce coin de ciel.

La motivation viendra des images glanées ça et là sur le net : Lemmon semble promettre un joli spectacle !

Le 30 septembre au soir, je me livre à de savants calculs, visant à déterminer l’heure exacte à laquelle la comète franchira le faîte du toit de la maison, depuis le fond de mon jardin. L’heure établie, je prépare mes instruments et quelques vêtements chauds, et vais me coucher, en espérant trouver un ciel dégagé au réveil.

L’heure du réveil – il est 4h… – me fait espérer un ciel couvert … pour aller aussitôt me recoucher, mais la météo est joueuse, et le ciel est dégagé. Bon, tant pis, je vais laisser la couette refroidir… J’installe le Seestar, la lunette de 60mm, et sans erreur possible, je vois très vite une boule brillante apparaître à l’écran : la comète est là, brillante, légèrement verdâtre ; un bout de queue apparaît déjà sur les images brutes. Je laisse les poses s’accumuler, et en profite pour tenter de repérer la comète à la lunette.

Aidé par le large champ, le cheminement est plutôt simple : la comète est visible, mais reste discrète (ne perdons pas de vue que nous sommes à Reims, au milieu des lumières des lampadaires…). A l’écran, la silhouette de Lemmon s’étire doucement… La comète se déplace très vite ! Il est maintenant presque 6h, j’ai près de 90 minutes d’images derrière moi, et à peu près autant de minutes de sommeil devant, avant mon deuxième lever de la journée.

Il faut attendre le 12 octobre pour mon deuxième rendez-vous avec Lemmon – onze jours à attendre patiemment que la Lune, la comète et les nuages se mettent à la place que je leur ai assignés dans ma tête. Lemmon s’est rapprochée de la Terre et du Soleil ; elle est désormais dans les pattes arrières de la Grande Ourse, et visible en première partie de soirée, alors que la Lune se trouve maintenant dans la direction exactement opposée. Me voilà donc parti sur les hauteurs de Saint-Masmes pour ce deuxième rendez-vous.

Cette fois, c’est la météo qui va me compliquer la tâche… Le ciel est sans nuage, mais chargé d’un tel niveau d’humidité que la moindre lumière terrestre se transforme en prodigieux halo, qui monte très haut au-dessus de l’horizon. Et, grossière erreur de positionnement de ma part, Lemmon se trouve précisément dans les lumières de la sucrerie de Bazancourt, probablement la pire source de pollution lumineuse qui puisse affecter mon spot…

A la lunette, le repérage de Lemmon est difficile, la comète n’est pas mieux visible que depuis Reims onze jours plus tôt. Au Seestar, les images sont un peu plus détaillées, et le déplacement devant les étoiles semble plus rapide.

Dans les jours qui vont suivre, la météo va s’avérer compliquée, avec des prévisions à moyen terme qui semblent indiquer que nous nous orientons vers un temps « de saison » – façon de dire qu’il va pleuvoir ! Il s’agit donc de saisir les opportunités avant que la fenêtre d’observation favorable ne se referme… et tant pis si l’opportunité suivante doit me valoir un nouveau réveil au beau milieu de la nuit !

Nous voilà donc le samedi 18 octobre, il est 4h quand mon réveil me tire du lit, et Jupiter, bien brillante à travers la fenêtre, m’annonce que je ne retournerai pas me coucher de suite. J’empile quelques épaisseurs de vêtements chauds, charge le matériel dans la voiture et prends à nouveau la direction de Saint-Masmes.

Lemmon a quitté la Grande Ourse et se trouve désormais dans les Chiens de Chasse. Au moment où j’installe mes instruments, Orion est plein sud, et haute dans le ciel. Mais à l’horizon, les nappes de brumes glissent autour de moi, s’attardent un peu – sans doute intriguée par mon curieux manège – puis s’éloignent.

La Lune se lève dans la brume, le 18 octobre

Lemmon flotte au-dessus du brouillard, de plus en plus brillante, et désormais bien visible aux jumelles. Sa chevelure se développe sur une bonne moitié du champ de mes 10×50, malgré sa faible hauteur.

Au Seestar, une fine queue de plasma trace un trait qui sort largement du cadre. En balayant le ciel à l’œil nu, en-dessous de Cor Caroli, je parviens même à la repérer en vision décalée, confirmant qu’elle est bien visible à l’oeil nu … mais c’est juste !

J’accumule encore quelques dizaines d’images brutes, matière à ce que pense alors être ma dernière image de la comète Lemmon. En réalité, je la saisirai une dernière fois au Seestar le 2 novembre, depuis mon jardin rémois.

La comète Lemmon, du 1er octobre au 2 novembre, au Seestar S50

Au terme de ces quatre rendez-vous parfois compliqués, Lemmon a finalement rejoint le club fermé des comètes qui m’auront marqué. Elles se comptent désormais sur les doigts … de mes deux mains.

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