La rentrée des classes ne signifie pas qu’il est temps de remiser les instruments au placard, bien au contraire ! Porté par une actualité astronomique plutôt riche, et parfois insolite, ce mois de septembre a été bien occupé !
Je commence en trichant un peu, l’image suivante remontant à la fin du mois d’août :
Cette balafre dans le ciel, observée le 25 août, est la trace bien visible du dégazage d’une fusée chinoise. Un événement plutôt inattendu, qui a distrait les préparatifs de ma soirée d’observation à Aussonce. Une soirée consacrée à l’exploration du Capricorne et du Verseau, un coin de ciel dans lequel les étoiles savent se faire discrètes, et où l’on retrouve beaucoup d’amas globulaires.
Deux petites semaines après cette première plongée dans le ciel d’automne, j’avais rendez-vous avec la Lune, le dimanche 7 septembre, le temps d’une éclipse totale de Lune. Installé à Saint Masmes, je devais animer un live-chat sur le Facebook du Planétarium. Avec mes quatre mains, me voilà donc chargé tout à la fois d’assurer de la prise de vue et de l’animation de chat, tout ça avec une Pleine Lune qui allait jouer à cache-cache avec l’ombre de la Terre, son atmosphère et ses nuages…
De la phase totale, je n’ai vu qu’une petite minute de teintes rouge-orangées, avant que les nuages ne viennent semer la pagaille. Impossible de tenter la moindre photo avant le retour de la phase partielle.
Le rythme un peu frénétique du live-chat ne m’a malheureusement pas permis de réaliser d’images à la lunette. Les seules images, réalisées au Seestar, illustrent très bien la limite de cet instrument sur la Lune, ou le planétaire de manière générale : le piqué est faible, ça manque de détails… Restent les souvenirs de l’instant !
Et pourtant, c’est avec ce même Seestar que je vais mettre en images, quelques poignées de jours plus tard, la très jolie occultation de Vénus par la Lune !
Une occultation que nous qualifierons de joueuse, car se déroulant en pleine journée, au milieu d’un ciel blanc-bleu. Tant que la Lune reste haute dans le ciel, il est encore possible de la repérer, mais dès le moment où elle va décliner, l’affaire est délicate !
J’ai pu suivre le phénomène à l’œil nu et aux jumelles : la vision du brillant diamant vénusien s’approchant de l’arc lunaire était un vrai plaisir !
Aujourd’hui, nous n’allons pas lever la tête très haut : nous allons traverser le Capricorne, le Verseau, puis remonter vers le bas de la constellation de Pégase, et finirons dans le Dauphin.
Cette première promenade automnale nous emmène dans un coin de ciel qui n’est pas forcément le plus spectaculaire. A sa décharge, il arrive après le feu d’artifice estival qui nous voit nous perdre entre les nébuleuses colorées et les amas d’étoiles dispersés entre le Triangle d’été et le Sagittaire.
Notre périple commence près du Capricorne. Ses étoiles principales (douze étoiles sont de mag. inférieure à 4,5) dessinent une curieuse créature que les esprits les plus imaginatifs décrivent comme une chèvre à queue de poisson. Je dois pour ma part manquer considérablement d’imagination, ne voyant pour ma part .. qu’un bol. Mais ces douze étoiles seront suffisantes pour nous aider à repérer nos premiers objets célestes.
Messier 75 : notre premier objet n’appartient pas au Capricorne, mais au Sagittaire. Toutefois, compte-tenu de sa distance aux étoiles les plus brillante du Sagittaire, il sera plus facile de tenter de le repérer en partant de Beta Capricorne. M 75 compte environ 400 000 étoiles, et rentre dans la catégorie des « grobulaires ». Toutefois, sa grande distance – on est à près de 70 000 années-lumière – et sa position dans le ciel rendent son repérage délicat. Nous cherchons une petite boule floue accrochée aux brumes de l’horizon sud. Pas simple !
Messier 78 au Seestar S50, 15 min. de pose
Invisible au chercheur, M 75 apparaît au T250, à 100x, comme une petite boule floue, non résolue, avec un noyau assez marqué, dans un champ assez pauvre en étoiles. A 190x, l’amas commence à être résolu en vision décalée.
Messier 30 : moins massif que M 75- 240 000 masses solaires – mais beaucoup plus proche – 26 000 années-lumière – M 30 est une cible plutôt facile.
Messier 30 au Seestar S50, 14 min. de pose
Repérable assez simplement en partant de Dzeta Cap, il est déjà visible au chercheur. Au T250, à 100X, il est résolu sur sa partie extérieure en vision directe. Si on monte à 190x, il apparaît très étendu et finement résolu sur toute la surface. Le noyau est brillant, et deux trainées d’étoiles se détachent nettement. C’est un très bel objet !
Il est temps de s’éloigner un peu du Capricorne, et d’entamer un tour dans les étoiles du Verseau. La constellation est étendue, mais ses étoiles sont peu brillantes. Sadalmelik et Sadalsuud, les deux étoiles les plus brillantes de la constellation, visibles au-dessus du Capricorne, affichent une magnitude tout juste inférieure à 3… La silhouette du porteur d’eau tient donc là encore du symbolique.
Le premier objet rencontré dans le Verseau est la Nébuleuse Helix. Une nébuleuse planétaire qui sait, suivant les occasions, être spectaculaire … ou fantomatique. Basse sur l’horizon à nos latitudes, dans un coin de ciel qui compte peu d’étoiles brillantes, son repérage sans GoTo est souvent très aléatoire : Fomalhaut est à 10° plus au sud, Delta Capricorne 10° plus à l’ouest. Il faut donc cheminer en partant d’étoiles peu brillantes. Il arrive qu’on se perde en chemin…
Image … approximative … de la nébuleuse Helix, au Seestar S50
« Difficile » est le mot qui revient le plus souvent dans mes notes quand il s’agit de décrire l’aspect visuel d’Helix. Il m’est arrivé, une fois, de la repérer au chercheur, mais c’était sous un ciel exceptionnel. En général, au T250, Helix apparaît comme une tache grise particulièrement étendue, qui, selon son humeur, révèle plus ou moins de détails. Mais il faut tenter sa chance !
Messier 72 : remontons en traversant le Capricorne d’est en ouest, et prenons la direction du Verseau, pour poursuivre la thématique « globulaire ».
Messier 72, au Seestar S50, 18 min. de pose
Plus éloigné que M30, et surtout beaucoup moins massif, M 72 est évidemment moins spectaculaire. Mais sa hauteur offre un peu de richesse au champ dans lequel il se niche. Au T250, il n’est pas résolu à 100x, mais résolu en vision décalée à 190x. On peut le classer dans les objets « plutôt jolis ».
Faisons une impasse sur l’anecdotique Messier 73, et arrêtons nous sur NGC 7009, la « Saturn Nebula ». Située à trois petits degrés de M 72, elle est très facile à trouver en partant de cette dernière.
Très petite, elle est aussi très brillante, et s’illustre par un très fort effet « blink » : en vision directe, elle disparaît presque complètement ! Au T250, à 100x, les extensions à qui la nébuleuse doit son surnom sont tout juste visibles en décalé.
En partant de Beta Aqr, un petit cheminement d’étoiles, cinq degrés vers le nord nous conduit vers Messier 2, notre quatrième globulaire de la soirée. Dans les abords immédiats de l’amas, pas d’étoile remarquable.
Messier 2 au Seestar S50, 22 minutes de pose
M 2 apparaît comme une petite tache au chercheur. A 100x, c’est une grosse boule, dont les bords sont parfaitement résolus en direct. En vision décalée, l’amas est totalement résolu et forme un ensemble que je qualifierais de … duveteux. Le champ est riche en étoiles, mais aucune ne domine véritablement. On ne s’ennuie pas en tournant autour ! A 190x, M 2 reste très brillant, le piqué ressort davantage et l’amas semble plus étendu, le cœur est mieux résolu.
Changeons d’échelle : Messier 15, notre prochaine destination, est un énorme amas globulaire, qui pèse plus d’un million de masses solaires !
Sa grande taille facilite son repérage. Le cheminement vers M 15 est relativement simple : il suffit généralement de partir de la brillante Enif, à l’extrémité de Pégase, et de filer vers l’ouest. L’amas est déjà parfaitement visible au chercheur.
Messier 15 au Seestar S50, 46 minutes de pose
Au T250, à 100x, l’amas est entièrement résolu en vision directe, et sensiblement plus étendu que M 2. Quelques étoiles brillantes viennent enrichir le champ. A 180x, le noyau apparaît plus marqué, plus compact. C’est très certainement le joyaux de ce parcours !
Depuis M 15, nous allons remonter vers la constellation du Dauphin. La constellation est petite, et compte peu d’étoiles brillantes – Sualocin, la plus brillante, est de mag. 3.85 ; on compte par ailleurs quatre étoiles de magnitude inférieure à 4.5. Le Dauphin reste facile à retrouver en cherchant entre Enif et Altaïr.
Parmi les objets célestes remarquables dans la constellation, impossible de passer à côté de Gamma Del, magnifique étoile-double brillante, facilement séparée, même à faible grossissement. Les deux étoiles, respectivement de mag. 4.3 & 5, sont actuellement séparées de 9″, et se rapprochent doucement … car Gamma Del est une vraie double : les deux astres tournent l’un autour de l’autre en un peu plus de 3 000 ans.
Nous finissons ce tour du ciel avec un dernier amas globulaire : NGC 7006. Situé à 3° à l’est de Gamma Del, son repérage n’est pas très facile. Il faut dire que cet amas est loin … très loin … à environ 130 000 a.l. !
NGC 7006 au Seestar S50, 24 min. de pose
Baignant dans un champ riche en étoiles, l’amas apparaît au T250 comme une petite tache floue assez uniforme, qui se confond avec les étoiles brillantes qui l’entourent.
Sauf précision contraire, toutes les images ont été réalisées au Seestar S50, et sont présentées à la même échelle
Mes aventures étoilées de ce mois d’août 2025, décidément généreux en belles nuits, me conduisent à nouveau sur mon spot de Saint Masmes. J’y ai notamment chassé de la planète naine et de la supernova lointaine !
Un peu avant cette nuit du 18 août, j’avais réalisé une image un peu rapide de la nébuleuse de la Lagune, qui avait bien du mal à respirer dans le cadre plutôt étriquée du capteur du Seestar ; je n’avais pas vraiment pris le temps d’étirer le cadre, me retrouvant avec une image jolie, mais un poil frustrante…
J’étais donc décidé à offrir un peu d’espace à cette jolie nébuleuse. Je m’étais programmé une heure et demi de pose en mode mosaïque, ce qui devait me laisser un peu de temps pour faire également de l’observation en visuel derrière ma petite lunette.
Il est à peine 22h quand je m’installe, et les étoiles apparaissent déjà en nombre, grignotant le crépuscule de plus en plus tôt, preuve manifeste que nous approchons de la fin de l’été. Véga et ses copines se sentent moins seules ! Plein sud, les étoiles du Sagittaire commencent d’ailleurs à apparaître.
Arcturus, Altair et Mizar me permettent de caler la monture de la lunette, et mon premier coup d’œil de la soirée sera pour cette dernière, d’abord au Nagler de 13 mm, puis au 6.7 mm. (Juste pour mémoire et pour les amateurs de chiffres, ce soir, j’observe donc avec ma des grossissements de 28x et 54x.) Le piqué est très agréable, Mizar A&B sont séparés sans problème, et l’écart de magnitude entre les deux étoiles est sensible. La petite étoile peu brillante, située légèrement en décalé par rapport à Alcor et Mizar, est bien en place et dessine un joli triangle avec ses deux brillantes voisines.
Le ciel se remplit tranquillement : Pégase est bien en place, au-dessus de ma tête, le Cygne est déjà riche en étoiles, et le Sagittaire est maintenant au complet. Je m’aventure donc vers le ras de l’horizon sud, tout à la fois pour vérifier la qualité du ciel et celle de l’initialisation de la monture. M 22 va me servir de test. Après quelques gesticulations de l’AZ-GTi, l’amas apparait dans le champ du 6.7, pas tout à fait au centre. L’amas est résolu sans problème en vision décalée, moins évident en vision directe – le ciel n’est toutefois pas tout à fait noir. Je remplace le 6.7 par le 13mm, et de manière étonnante, la vision est moins bonne : l’amas se perd dans le fond du ciel, que le faible grossissement de l’oculaire fait remonter. Le champ est plus riche, quelques étoiles brillantes font leur apparition autour de l’amas, mais l’image était mieux résolue au 6.7mm.
En même temps que je lance mes acquisitions sur la Lagune, je m’enfonce un peu plus dans les brumes de l’horizon sud, vers M 6 et M 7, deux amas ouverts qui savent se monter particulièrement jolis quand on a la chance de les observer depuis l’hémisphère sud, mais qui ne dépassent pas les 9° de hauteur, au mieux, à nos latitudes… De fait, M 7 se résume à un paquet de 25 étoiles ondulant doucement dans la turbulence. La vision n’est pas vilaine, mais reste peu spectaculaire. M 6 n’est qu’à 7° au-dessus de l’horizon et se résume à une demi douzaine d’étoiles qui dominent un ensemble d’une quinzaine d’étoiles – ferait-on mieux avec plus de diamètre ?
Il est maintenant 22h30, et les premières tuiles de ma mosaïque s’assemblent tranquillement. La lunette poursuit sa balade sur l’horizon sud ; je pointe maintenant M 28, un tout petit mais brillant globulaire que j’aime bien traquer à côté de M 22. Au 13 mm, l’amas est même … trop petit : il se résume à une nébulosité marquée par un point brillant en son centre, mais n’est pas résolu. Au 6.7 mm, l’amas gagne en grain, mais perd au passage son côté pointu.
Je poursuis sur M 8 : au 6.7 mm, la vision est sympa, les nébulosités de part et d’autre de la bande sombre sont nettement visibles. Au 13mm, le fond de ciel reste un peu clair, la vision est moins détaillée. Mais le champ large du Nagler permet d’y glisser la Trifide et M 21. Joli !
Je remonte ensuite le long de la Voie Lactée, et croise M 17. La nébuleuse est brillante, et la vision au 6.7mm apporte du contraste et des détails, que je ne parviens pas à retrouver au Nagler. M 16 reste un objet décevant – dont je n’ai de toutes façons jamais été grand fan. On voit le triangle d’étoiles brillantes qui borde la nébuleuse, et en décalé, on devine un vague truc.
Je passe rapidement sur l’anecdotique M 26, et m’arrête beaucoup plus longuement sur M 11 : l’image au 6.7mm est plus riche qu’au 13 mm, et la dynamique de l’œil offre un vision bien différente de la photographie : l’étoile la plus brillante ressort davantage à l’avant d’un joli dégradé d’étoiles plus faibles. Le surnom de « canard sauvage » se justifie mieux à l’oculaire que derrière une caméra !
Et pendant que je grimpe le long de la Voie Lactée, la mosaïque de la Lagune continue de se construire… et je réalise que j’ai peut-être péché par gourmandise ! Ayant voulu élargir le champ de vision de mon image, je n’ai pas tenu compte de l’élargissement nécessaire … du temps de pose. Le Seestar doit en effet balayer plusieurs fois la zone à imager pour accumuler suffisamment de signal. Ce ne serait pas un problème si la Lagune n’avait pas déjà croisé le méridien, et entamé sa plongée dans le halo rémois… Les 90 minutes que j’avais prévues ne seront pas très efficaces. Tant pis, je prends date pour l’année prochaine !
M 8 et l’amas ouvert NGC 6544 (en bas), 45 minutes de poses cumulées au Seestar S50
Je mets le cap au nord, en direction de Cassiopée et Persée, pour conclure cette soirée. Même dans le petit diamètre de la lunette, NGC 7789 reste très très joli. Et le double-amas de Persée, dans le large champ du Nagler, est un feu d’artifice !
Le Seestar finit d’imager la nébuleuse Helix pendant que je commence à ranger la lunette. Mais je m’offre quand même un dernier regard panoramique le long de la Voie Lactée – sa visibilité se situe, ce soir quelque part entre « gros paquets brillants » et « impression barbapapa », que l’on ne croise que sous un ciel parfaitement noir. Derrière mes « Yeux de hibou » : Cr 399 – l’amas du Cintre – est bien visible, de même que la nébuleuse North America. Inconfortablement allongé sur le capot de la voiture, je m’offre une plongée entre les paquets brillants et les régions obscures de notre galaxie… Une plongée proprement vertigineuse !
Matériel utilisé :Seestar S50, Zenithstar 61 sur monture Az-Gti, jumelles Orion 2×50 « hibou »
Le mois de juillet n’avait pas été très riche, la faute à une météo plutôt maussade. Mais le mois d’août s’est bien rattrapé : au programme de ce petit récap, des nébuleuses à ne plus savoir qu’en faire, une supernova et même une planète naine !
Avant de me prendre la tête sur de nouveaux process de traitement d’image un peu laborieux, je me suis énervé sur quelques images d’amas globulaires plus ou moins spectaculaires : M 56 et M 71, lors de ma seule session du mois de juillet :
M 56 (à gauche) et M 71 (à droite), au Seestar S50, à la même échelle
Puis M 13, en deux saveurs, captée depuis Reims, d’abord au C8, puis au Seestar.
M 13 au Seestar (à gauche) et au C8 (à droite)
C’est à peu près à ce moment que j’ai commencé à découvrir les possibilités offertes par des outils et des techniques de traitement que je ne connaissais pas.
J’ai commencé avec une série d’images de NGC 281, la nébuleuse Pac-Man. Les débuts ont été laborieux, voire un peu décourageants, puis petit à petit plus engageants :
Evolution du traitement de NGC 281… Ne me parlez plus de NGC 281 !
… Et c’est officiel, je ne peux plus voir cette nébuleuse en peinture ! Pour autant, la voie vers des reprises d’objets déjà imagés était ouverte : M 8, M 27, ou encore les Dentelles.
Et entre deux séries d’images, j’ai également mené à leur terme deux projets à travers un été bien chargé : la recherche de Pluton et la supernova au coeur de NGC 7331, deux récits que je vous invite à relire, s’il vous reste un peu de temps disponible !
Et ce n’est pourtant pas fini : avec pas moins de dix soirées pour le seul mois d’août, j’ai pu vendanger pas mal de coins de ciel et accumuler des paquets d’images que je n’ai pas encore pu traiter ; je les garde en réserve le prochain clin d’oeil !
S’il existait un prix distinguant les objets astronomiques aussi mythiques que peu spectaculaires, nul doute que Pluton le remporterait haut la main : moitié moins grosse que la Lune, perdue à plus de 5 milliards de kilomètres du Soleil, là où son feu brille d’un éclat mille fois moins fort que sur Terre, Pluton n’est visible que dans les plus gros télescopes.
Et quel spectacle cela doit être pour l’astronome qui s’aventurerait malgré tout à sa recherche, au-delà des planètes les plus lointaines … Pluton n’apparaîtrait que comme un point. Et on aurait beau grossir, Pluton resterait un simple point, perdu au milieu de beaucoup d’autres points.
Et pourtant, son histoire, de sa découverte en 1930, à sa déchéance en 2006, en a fait un astre proprement mythique. Nombreux continuent de s’inquiéter aujourd’hui de son sort, se demandant même si elle tourne encore autour du Soleil !
Je n’ai jamais observé Pluton… Je n’ai même jamais envisagé de tenter cette observation, ayant probablement peur de ne pas la distinguer des étoiles qui l’entourent. En revanche, ça fait déjà plusieurs années que je prévois de photographier son déplacement devant les étoiles, en reproduisant l’expérience qui avait conduit à sa découverte, il y a 95 ans.
Clyde Tombaugh, cherchant la 9ème planète sur ses plaques photographiques. Autre époque …
« Reproduire » n’est pas le terme exact, d’ailleurs : quand Clyde Tombaugh cherchait sa neuvième planète, il fouillait une botte de foin à peu près aussi grande que la voûte céleste, à la recherche d’une aiguille invisible dont il ignorait la taille…
Mon expérience apparaît en comparaison beaucoup plus modeste : marchant dans les pas de Clyde Tombaugh, je connais tout à la fois la position et l’éclat de Pluton. D’une certaine manière, j’ai juste besoin de me baisser pour la ramasser.
Toutefois, pour corser cette expérience photographique, j’ai utilisé un modeste Seestar. Et honnêtement, je n’étais pas tout à fait certain que ses 50mm de diamètre soient suffisants pour attraper Pluton. J’avais déjà imagé des étoiles d’un éclat voisin, et elles ne brillaient pas très fort.
Le 5 août, je m’installais sur mon spot préféré de Saint Masmes, sous un ciel dont la limpidité était troublé par une Lune généreusement gibbeuse. Les étoiles du Capricorne, où se cache Pluton, plutôt discrètes en temps normal, sont, ce soir, tout à fait invisibles.
Je lance toutefois mes acquisitions, et vois petit à petit l’image se dessiner à l’écran. A côté d’une paire d’étoiles relativement brillantes, Pluton apparaît, d’abord timidement, puis de plus en plus nettement, sans ambiguïté aucune. Et elle apparaît très exactement à la position calculée par mes applis. Je l’ai ! J’ai attrapé Pluton ! (Danse de la joie au pied de mes instruments)
Reste à transformer l’essai, et reproduire l’expérience quelques jours plus tard, pour la voir, cette fois, se déplacer devant les étoiles. Pas le lendemain, ni le surlendemain, car la Lune est bien trop présente, au beau milieu des étoiles du Capricorne. Je dois donc laisser la Lune filer, mais sans pour autant trop attendre, car Pluton risque de filer à son tour, et sortir de mon champ photographique.
Le 10 août, je parviens finalement à faire une nouvelle série d’images. Pluton n’est plus à côté de ses deux étoiles, mais se trouve un peu plus à droite dans le champ.
Déplacement apparent de Pluton, entre le 5 et le 10 août
Aucun doute, Pluton a bel et bien bougé ! On peut en tous cas voir les choses sous cet angle – d’une image à l’autre, aucun doute à avoir, on voit que Pluton s’est déplacée devant les étoiles !
Sauf que ce déplacement tient davantage du mouvement … de la Terre. Oui, c’est en réalité la conjugaison du mouvement de notre planète, beaucoup plus rapide, et la (toute relative) faible distance de Pluton qui nous offrent l’occasion de la voir se déplacer devant le fond étoilé situé des dizaines de milliers de fois plus loin. Un jeu de perspective en somme, et une magnifique expérience que je ne manquerai pas de retenter l’été prochain, histoire de m’assurer que Pluton ne s’est pas fait la malle en direction d’une autre étoile !