Un regard sur le ciel d’hiver, en janvier 2020

En fouillant dans mes archives de l’hiver 2020, je suis retombé sur quelques images (au final) intéressantes, prises depuis l’observatoire de Beine-Nauroy.

L’hiver 2020, c’était ce moment un peu étrange durant lequel Bételgeuse avait perdu de sa superbe. Son éclat avait été divisé par deux, au point qu’elle était devenue moins brillante qu’Aldébaran :

On avait même cru (espéré ?) qu’elle allait exploser sous nos yeux… Rien de tel, au final : Bételgeuse a retrouvé son éclat dans les mois qui ont suivi. Pour la supernova du siècle, il allait falloir patienter encore un peu …

Dans ces mêmes archives, j’ai également retrouvé des images faites avec ma Megrez 80 et mon petit Lumix. Je ne suis pas sûr d’en avoir tiré quoique ce soit à l’époque… Mais ce soir, je me suis amusé à les travailler un peu. Et je me rends compte qu’en dépit des poussières sur le capteur et du manque de temps de pose, il y avait un peu de potentiel :

La nébuleuse d’Orion à la Megrez 80 + Lumix GX80, 12 minutes de pose.

J’imagine qu’à l’époque, le dispositif technique était modeste : pas d’autoguidage, bien évidemment, juste une lunette montée sur la HEQ5, et une série d’images prises avec le mode « séquence » de mon boîtier. Bref, du minimalisme pour jus.

Même chose avec Messier 35, prise le même soir et dans des conditions identiques :

Messier 35 et NGC 2158, à la Megrez 80. 12 minutes de pose.

Sans travailler le traitement pendant des heures, j’arrive même à retrouver les nuances colorées caractéristiques de ces deux amas.

J’ai la fâcheuse habitude de ne pas jeter mes vieilles images, que je stocke en attendant de me décider à les trier/archiver/jeter (rayez les mentions inutiles). Une fois n’est pas coutume, j’ai été bien inspiré de les conserver.

Perspectives galactiques dans le ciel d’automne

Si les galaxies occupent en nombre le ciel de printemps, le ciel d’automne n’est pas en reste, et compte certainement les plus spectaculaires représentantes de cette famille d’objets célestes.

Je profite de quelques prises de vue galactiques réalisées ces dernières semaines pour faire remonter quelques souvenirs de trois d’entre-elles.

J’ai rencontré NGC 891 pour la première fois en 2002, lors d’une mémorable mission à l’observatoire de Saint Véran. Cette galaxie lointaine – jusqu’alors passée complètement à côté de mon radar – faisait partie de la liste des objets que l’équipe de Voyager 3 Astronomie avait prévu de photographier, dans le cadre d’un improbable programme d’imagerie du ciel profond à la webcam. On se gelait dans la salle d’opération de l’observatoire, nous étions insouciants, mal rasés, mais heureux de nos expérimentations approximatives. Sur nos images, NGC 891 était tellement grande qu’elle débordait largement des limites du capteur de notre Vesta Pro modifiée. On bricolait des mosaïques avec des logiciels archaïques, on se battait avec les pixels chauds… Aujourd’hui, le capteur du Seestar la saisit sans le moindre effort, et à l’écran, elle me semble bien petite !

NGC 891 au Seestar S50, depuis Reims, en septembre 2025. 84 min. de pose.

J’ai pu observer NGC 891 à plusieurs reprises par la suite, mais toujours avec quelques difficultés : repérage parfois délicat, manque de contraste … J’ai toutefois le souvenir de quelques observations au C8, laissant apparaître la bande de poussière. Il faudrait que j’y retourne, à l’occasion.

C’est avec ce même C8 que j’ai observé Messier 33 de manière détaillé. Je ne me souviens pas avoir observé la structure spiralée de la galaxie – je ne suis d’ailleurs pas persuadé que ce soit possible – mais j’ai le souvenir très précis de la vision de NGC 604, brillante nébuleuse située dans l’un des bras de la galaxie.

Messier 33 au Seestar S50, depuis Reims, en septembre 2025. 79 min. de pose.

Je reviens assez souvent sur Messier 33, que je sais repérer sans peine aux jumelles. Même sous un ciel moyen, la large tache ovale se détache facilement du fond de ciel. Mais là encore, un examen plus attentif avec un gros diamètre m’offrirait peut-être quelques détails supplémentaires… ou pas ?

Il est évidemment impossible de passer à côté de la Galaxie d’Andromède, que j’ai croisé un nombre incalculable de fois dans mes soirées d’observation, aussi bien à l’œil nu, aux jumelles, à la lunette ou dans de gros télescopes. J’ai notamment le souvenir d’une observation mémorable dans une paire de Fujinon de 70mm – un mariage absolument idéal de champ large et de piqué ; je revois encore le large fuseau brillant de la galaxie entouré d’étoiles brillant comme des pierres précieuses. Magique !

Il m’a en revanche fallu plus de temps pour enfin voir des détails dans la galaxie. Lors d’une soirée à l’observatoire de Beine-Nauroy, en collant un oculaire de 40mm à champ relativement large, j’ai pu voir pour la première fois la bande de poussière qui barre la partie la plus brillante de la galaxie.

Mosaïque de Messier 31, 32 & 110, réalisée au Seestar S50, en septembre 2025

J’ai régulièrement renouvelé cette observation au Dobson, en privilégiant un champ aussi large que possible pour réussir à attraper M 32 et M 110, ses deux galaxies satellites.

Mais c’est vision aux jumelles qui me procure les plus beaux souvenirs. J’ai notamment en tête une perspective renversante dans laquelle j’imagine le plan de la galaxie d’Andromède s’allonger démesurément, allant presque croiser celui de la Voie Lactée… Une superposition de plans qui donne une dimension proprement vertigineuse à cette vision, et qui ne manque pas de me faire décoller à mon tour !

Le grenier – une nuit étoilée à Revens, le 11 août 2005

Hier soir, j’étais occupé à faire le ménage dans mes archives sonores : j’avais ressorti un vieux dictaphone à cassettes (oui oui, à cassettes … Ces antiquités en plastique que l’on rembobinait avec un stylo-bic), et entre deux bandes de musique électronique, je suis retombé sur l’enregistrement de deux soirées astro … vieilles de 20 ans. A cette époque, j’avais l’habitude de prendre des notes sonores pour rédiger mes CROAs ; une bonne habitude, il faudrait que j’y revienne !

Ça commence avec … du vent … qui sature le micro, et puis quelques mots, pour situer le cadre :

« Nous sommes tout près de Revens, sous un ciel magnifique, avec une magnifique Voie Lactée au-dessus de ma tête. Le Scorpion est ici visible en entier, et je me promène, un peu au pif. »

Oui, nous étions en vacances, en Lozère, pas très loin de Revens. Nos premières vacances avec notre fille, alors âgée de quelques mois. Des vacances au milieu de nulle part, au calme. Entre couffin et poussette, j’avais quand même réussi à caser ma Megrez 80, quelques oculaires, quelques filtres et un atlas céleste. Et me voilà parti, ce 11 août 2005, à me perdre entre le Scorpion et le Sagittaire.

« Je découvre M 6 et M 7… M 7 est d’ailleurs visible à l’oeil nu sans problème, et M 6 n’est pas très loin. En remontant, la Lagune est visible à l’oeil nu … Il ne fait pourtant pas complètement noir, la Lune n’est pas couchée … Véga est au-dessus de ma tête, je poursuis ma balade dans le Sagittaire… »

S’en suivent un coup d’oeil sur M 22, résolu en décalé malgré le faible grossissement, M 16, M 17 puis M 24, avant de remonter sur M 11. Un vrai festival estival !

Le ciel est également illuminé par le passage de quelques étoiles filantes, et d’un orage lointain, situé plus à l’ouest. Mais au-dessus de ma tête, le ciel est parfaitement dégagé. Avant de remonter vers le Triangle d’été, je repars sur le Scorpion, à la recherche de ses globulaires :

« Je suis tombé sur M 4, mais je n’ai pas réussi à tomber sur M 80, qui ne doit pourtant pas être très très loin… En fouinant un peu, je suis tombé sur deux globulaires de la queue du Scorpion, M 19 et M 62, et je suis assez content, car je pense que je ne les ai jamais observés. »

Pas exactement dans la queue, mais, de fait, jamais très haut dans notre ciel du nord. Les quelques degrés gagnés en allant vers le sud permettent de les sortir des brumes de l’horizon. Et mon voyage étoilé est loin d’être terminé !

« Je remonte vers Ophiuchus et continue avec les globulaires : M 9, et juste à côté, NGC 6356 ; ils sont très petits, mais ça passe sans problème. Je débusque ensuite M 107, que je ne suis pas près de revoir, car il est très très peu dense, et pas du tout évident. Il se détache à peine du fond de ciel, qui est portant très très noir. »

« Changement radical de secteur, je suis maintenant sur la Galaxie d’Andromède… Je suis très heureux de voir les trois galaxies [M 31, M 32 et M 110] dans la lunette et … Oooh, encore une très belle étoile filante ! »

« Je suis reparti vers le Triangle d’été, dans un fabuleux fourmillement d’étoiles, et suis tombé, un peu par hasard, sur les deux boucles brillantes des Dentelles du Cygne. Le plus surprenant était de les saisir sans filtre. Et avec le filtre UHC, quelques tachouilles viennent se glisser entre les boucles. »

Les tachouilles, c’est le discret Triangle de Pickering, que je pensais alors inaccessible à une lunette de 80mm. Mais les conditions, ce soir-là, étaient vraiment bonnes.

Ensuite, j’ai pris une couverture et je me suis installé dans l’herbe pour compter les étoiles filantes, avec Mars et les Pléiades à l’horizon, la Voie lactée au-dessus de ma tête, des éclairs lointains et des bolides colorées… Une soirée inoubliable !