17 novembre 2025 – un court périple dans le Cocher

Distrait par la comète Lemmon pendant tout le mois d’octobre, je retrouve un ciel étoilé que j’avais un peu négligé depuis cet été. Un ciel fait d’amas d’étoiles et de nébuleuses improbables. Mais histoire de ne pas me perdre, je m’accroche, ce soir, aux étoiles familières de la constellation du Cocher.

La constellation du Cocher a ça de rassurant qu’elle est facile à repérer dans le ciel d’automne. Perchée très haut au-dessus de nos têtes pendant l’essentiel de nuits particulièrement longues, elle est marquée par une demi-douzaine d’étoiles brillantes, Capella en tête. Immanquable !

A l’intérieur de l’hexagone (approximatif) dessiné par les étoiles du Cocher, les amas d’étoiles se cueillent en grappes épaisses : M 36, M 37, M 38 et quelques autres … Voilà mon programme !

Me voilà donc à Aussonce, sous un ciel sans nuage et un froid que nous qualifierons de saison – un petit degré affiché au thermomètre, rien de bien inhabituel à un mois du début de l’hiver. Sur l’horizon ouest, la Voie Lactée joue les prolongations estivales, tandis qu’à l’opposé, Orion et Jupiter se lèvent déjà.

En attendant que Jérémy me rejoigne, je cale le Seestar et monte le Dobson de 250mm. Un coup d’œil sur Saturne me permet de réaliser que le télescope est décollimaté. Un autre coup d’œil au fond de mon sac (là où se trouvent d’ordinaire les clés allen) m’apprend qu’il le restera. On fera avec.

Messier 38 et NGC 1907, son petit voisin, sont mes premières cible de la soirée. Il faut un peu d’espace pour les faire tenir dans le champ d’un oculaire. Je sors le Pentax de 21mm, ça rentre tout juste …

Messier 38 & NGC 1907 au Seestar S50, 19 minutes de pose

M 38 est très large ! A l’oculaire, on compte une bonne trentaine d’étoiles brillantes. NGC 1907 est plus discret, plus petit, moins brillant. On compte tout de même une vingtaine d’étoiles visibles en vision directe.

Le voyage jusqu’à Messier 36 est on ne peut plus simple : une simple bascule du télescope vers le bas, sans trop pousser, et nous y voilà :

Messier 36, 5 minutes de pose

L’amas est un peu plus ramassé que M 38. Il compte moins d’étoiles – environ 25 – mais elles sont plus brillantes.

Je reste encore un peu dans l’hexagone, et prends la direction de NGC 1893, situé à côté de M 38. C’est un amas ouvert assez lâche, qui compte une douzaine d’étoiles bien visibles. Sur l’image prise au Seestar, l’amas semble coincé dans un ensemble de nébuleuses obscures et colorées :

NGC 1893 (l’amas) et IC 410 (la nébuleuse), en 6 minutes de pose

Derrière l’oculaire, l’amas semble plongé dans une cave obscure, et tout autour, quelques nébulosités aux contours indistincts sont visibles. En dehors du champ, un peu plus haut, on retrouve une grappe d’une dizaine d’étoile brillantes. Il faudra y revenir !

Je termine ce rapide tour du Cocher avec Messier 37, et son tapis d’étoiles :

Messier 37, 6 minutes de pose au Seestar S50

Les étoiles de cet amas sont peu brillantes, mais forme un tapis épais. Je compte environ 40 étoiles à l’oculaire.

D’autres objets célestes viendront enrichir cette soirée ; des classiques comme la nébuleuse du Crabe ou la nébuleuse d’Orion ainsi quelques jolies galaxies… mais très vite, les conditions vont se dégrader : l’humidité vient se coller aux optiques et nous refroidir les orteils. Mais j’ai déjà prévu de revenir très vite vers le Cocher, notamment pour poursuivre (et améliorer !) mes images un peu brouillonnes. Une affaire à suivre !

Automne 2025 – rendez-vous avec la comète Lemmon

Si je devais dresser aujourd’hui le bilan cométaire de plus de trente années d’observation du ciel, je constaterais que celui-ci est plutôt maigre. En remontant le fil de mes archives, je recense deux douzaines de comètes ; et celles qui ont laissé un souvenir précis dans ma mémoire se comptent sur les doigts d’une main. Comme Hyakutake, en 1996, Hale-Bopp l’année suivante, ou Neowise, en 2020. Ces trois comètes, dont la chevelure était visible à l’œil nu, étaient particulièrement spectaculaires. La comète Holmes, à l’automne 2007, avait également fait forte impression, mais davantage à cause de son aspect curieux – un sursaut d’éclat, de l’ordre de 14 (!!!) magnitudes lié à une jolie éjection radiale, qui lui donnait un aspect de boule de Noël avant l’heure. J’en avais réalisé quelques jolis dessins.

Je dois également mentionner la comète Ikeya-Zhang, passée pas loin de la Terre en 2002. A l’époque, je me souviens avoir pas mal bataillé avec mon réveil et des nuages insistants pour finalement réussir à la photographier.

La comète Lemmon, que j’ai observé quatre reprises en cet automne, appartient assurément à cette dernière catégorie – le genre d’objet céleste qui oblige à se lever à des heures peu raisonnables, et à affronter des conditions météorologiques délicates.

Mon histoire avec Lemmon commence le 1er octobre, de très bonne heure. A cet instant, Lemmon est encore loin – à environ une unité astronomique de la Terre et du Soleil – et se promène devant les étoiles de la constellation du Lynx. Le Lynx … Pas exactement la constellation la plus riche en objets célestes remarquables, d’ordinaire. Au début du mois d’octobre, le Lynx n’est visible qu’en deuxième partie de nuit. Pour m’inciter à régler mon réveil sur les 4h pour aller à la chasse au félin à moustaches, il faut donc trouver la motivation au-delà des objets célestes qui se cachent habituellement dans ce coin de ciel.

La motivation viendra des images glanées ça et là sur le net : Lemmon semble promettre un joli spectacle !

Le 30 septembre au soir, je me livre à de savants calculs, visant à déterminer l’heure exacte à laquelle la comète franchira le faîte du toit de la maison, depuis le fond de mon jardin. L’heure établie, je prépare mes instruments et quelques vêtements chauds, et vais me coucher, en espérant trouver un ciel dégagé au réveil.

L’heure du réveil – il est 4h… – me fait espérer un ciel couvert … pour aller aussitôt me recoucher, mais la météo est joueuse, et le ciel est dégagé. Bon, tant pis, je vais laisser la couette refroidir… J’installe le Seestar, la lunette de 60mm, et sans erreur possible, je vois très vite une boule brillante apparaître à l’écran : la comète est là, brillante, légèrement verdâtre ; un bout de queue apparaît déjà sur les images brutes. Je laisse les poses s’accumuler, et en profite pour tenter de repérer la comète à la lunette.

Aidé par le large champ, le cheminement est plutôt simple : la comète est visible, mais reste discrète (ne perdons pas de vue que nous sommes à Reims, au milieu des lumières des lampadaires…). A l’écran, la silhouette de Lemmon s’étire doucement… La comète se déplace très vite ! Il est maintenant presque 6h, j’ai près de 90 minutes d’images derrière moi, et à peu près autant de minutes de sommeil devant, avant mon deuxième lever de la journée.

Il faut attendre le 12 octobre pour mon deuxième rendez-vous avec Lemmon – onze jours à attendre patiemment que la Lune, la comète et les nuages se mettent à la place que je leur ai assignés dans ma tête. Lemmon s’est rapprochée de la Terre et du Soleil ; elle est désormais dans les pattes arrières de la Grande Ourse, et visible en première partie de soirée, alors que la Lune se trouve maintenant dans la direction exactement opposée. Me voilà donc parti sur les hauteurs de Saint-Masmes pour ce deuxième rendez-vous.

Cette fois, c’est la météo qui va me compliquer la tâche… Le ciel est sans nuage, mais chargé d’un tel niveau d’humidité que la moindre lumière terrestre se transforme en prodigieux halo, qui monte très haut au-dessus de l’horizon. Et, grossière erreur de positionnement de ma part, Lemmon se trouve précisément dans les lumières de la sucrerie de Bazancourt, probablement la pire source de pollution lumineuse qui puisse affecter mon spot…

A la lunette, le repérage de Lemmon est difficile, la comète n’est pas mieux visible que depuis Reims onze jours plus tôt. Au Seestar, les images sont un peu plus détaillées, et le déplacement devant les étoiles semble plus rapide.

Dans les jours qui vont suivre, la météo va s’avérer compliquée, avec des prévisions à moyen terme qui semblent indiquer que nous nous orientons vers un temps « de saison » – façon de dire qu’il va pleuvoir ! Il s’agit donc de saisir les opportunités avant que la fenêtre d’observation favorable ne se referme… et tant pis si l’opportunité suivante doit me valoir un nouveau réveil au beau milieu de la nuit !

Nous voilà donc le samedi 18 octobre, il est 4h quand mon réveil me tire du lit, et Jupiter, bien brillante à travers la fenêtre, m’annonce que je ne retournerai pas me coucher de suite. J’empile quelques épaisseurs de vêtements chauds, charge le matériel dans la voiture et prends à nouveau la direction de Saint-Masmes.

Lemmon a quitté la Grande Ourse et se trouve désormais dans les Chiens de Chasse. Au moment où j’installe mes instruments, Orion est plein sud, et haute dans le ciel. Mais à l’horizon, les nappes de brumes glissent autour de moi, s’attardent un peu – sans doute intriguée par mon curieux manège – puis s’éloignent.

La Lune se lève dans la brume, le 18 octobre

Lemmon flotte au-dessus du brouillard, de plus en plus brillante, et désormais bien visible aux jumelles. Sa chevelure se développe sur une bonne moitié du champ de mes 10×50, malgré sa faible hauteur.

Au Seestar, une fine queue de plasma trace un trait qui sort largement du cadre. En balayant le ciel à l’œil nu, en-dessous de Cor Caroli, je parviens même à la repérer en vision décalée, confirmant qu’elle est bien visible à l’oeil nu … mais c’est juste !

J’accumule encore quelques dizaines d’images brutes, matière à ce que pense alors être ma dernière image de la comète Lemmon. En réalité, je la saisirai une dernière fois au Seestar le 2 novembre, depuis mon jardin rémois.

La comète Lemmon, du 1er octobre au 2 novembre, au Seestar S50

Au terme de ces quatre rendez-vous parfois compliqués, Lemmon a finalement rejoint le club fermé des comètes qui m’auront marqué. Elles se comptent désormais sur les doigts … de mes deux mains.

Le ciel d’automne, entre Capricorne et Dauphin

Aujourd’hui, nous n’allons pas lever la tête très haut : nous allons traverser le Capricorne, le Verseau, puis remonter vers le bas de la constellation de Pégase, et finirons dans le Dauphin.

Cette première promenade automnale nous emmène dans un coin de ciel qui n’est pas forcément le plus spectaculaire. A sa décharge, il arrive après le feu d’artifice estival qui nous voit nous perdre entre les nébuleuses colorées et les amas d’étoiles dispersés entre le Triangle d’été et le Sagittaire.

Notre périple commence près du Capricorne. Ses étoiles principales (douze étoiles sont de mag. inférieure à 4,5) dessinent une curieuse créature que les esprits les plus imaginatifs décrivent comme une chèvre à queue de poisson. Je dois pour ma part manquer considérablement d’imagination, ne voyant pour ma part .. qu’un bol. Mais ces douze étoiles seront suffisantes pour nous aider à repérer nos premiers objets célestes.

Messier 75 : notre premier objet n’appartient pas au Capricorne, mais au Sagittaire. Toutefois, compte-tenu de sa distance aux étoiles les plus brillante du Sagittaire, il sera plus facile de tenter de le repérer en partant de Beta Capricorne. M 75 compte environ 400 000 étoiles, et rentre dans la catégorie des « grobulaires ». Toutefois, sa grande distance – on est à près de 70 000 années-lumière – et sa position dans le ciel rendent son repérage délicat. Nous cherchons une petite boule floue accrochée aux brumes de l’horizon sud. Pas simple !

Messier 78 au Seestar S50, 15 min. de pose

Invisible au chercheur, M 75 apparaît au T250, à 100x, comme une petite boule floue, non résolue, avec un noyau assez marqué, dans un champ assez pauvre en étoiles. A 190x, l’amas commence à être résolu en vision décalée.

Messier 30 : moins massif que M 75- 240 000 masses solaires – mais beaucoup plus proche – 26 000 années-lumière – M 30 est une cible plutôt facile.

Messier 30 au Seestar S50, 14 min. de pose

Repérable assez simplement en partant de Dzeta Cap, il est déjà visible au chercheur. Au T250, à 100X, il est résolu sur sa partie extérieure en vision directe. Si on monte à 190x, il apparaît très étendu et finement résolu sur toute la surface. Le noyau est brillant, et deux trainées d’étoiles se détachent nettement. C’est un très bel objet !

Il est temps de s’éloigner un peu du Capricorne, et d’entamer un tour dans les étoiles du Verseau. La constellation est étendue, mais ses étoiles sont peu brillantes. Sadalmelik et Sadalsuud, les deux étoiles les plus brillantes de la constellation, visibles au-dessus du Capricorne, affichent une magnitude tout juste inférieure à 3… La silhouette du porteur d’eau tient donc là encore du symbolique.

Le premier objet rencontré dans le Verseau est la Nébuleuse Helix. Une nébuleuse planétaire qui sait, suivant les occasions, être spectaculaire … ou fantomatique. Basse sur l’horizon à nos latitudes, dans un coin de ciel qui compte peu d’étoiles brillantes, son repérage sans GoTo est souvent très aléatoire : Fomalhaut est à 10° plus au sud, Delta Capricorne 10° plus à l’ouest. Il faut donc cheminer en partant d’étoiles peu brillantes. Il arrive qu’on se perde en chemin…

Image … approximative … de la nébuleuse Helix, au Seestar S50

« Difficile » est le mot qui revient le plus souvent dans mes notes quand il s’agit de décrire l’aspect visuel d’Helix. Il m’est arrivé, une fois, de la repérer au chercheur, mais c’était sous un ciel exceptionnel. En général, au T250, Helix apparaît comme une tache grise particulièrement étendue, qui, selon son humeur, révèle plus ou moins de détails. Mais il faut tenter sa chance !

Messier 72 : remontons en traversant le Capricorne d’est en ouest, et prenons la direction du Verseau, pour poursuivre la thématique « globulaire ».

Messier 72, au Seestar S50, 18 min. de pose

Plus éloigné que M30, et surtout beaucoup moins massif, M 72 est évidemment moins spectaculaire. Mais sa hauteur offre un peu de richesse au champ dans lequel il se niche. Au T250, il n’est pas résolu à 100x, mais résolu en vision décalée à 190x. On peut le classer dans les objets « plutôt jolis ».

Faisons une impasse sur l’anecdotique Messier 73, et arrêtons nous sur NGC 7009, la « Saturn Nebula ». Située à trois petits degrés de M 72, elle est très facile à trouver en partant de cette dernière.

Très petite, elle est aussi très brillante, et s’illustre par un très fort effet « blink » : en vision directe, elle disparaît presque complètement ! Au T250, à 100x, les extensions à qui la nébuleuse doit son surnom sont tout juste visibles en décalé.

En partant de Beta Aqr, un petit cheminement d’étoiles, cinq degrés vers le nord nous conduit vers Messier 2, notre quatrième globulaire de la soirée. Dans les abords immédiats de l’amas, pas d’étoile remarquable.

Messier 2 au Seestar S50, 22 minutes de pose

M 2 apparaît comme une petite tache au chercheur. A 100x, c’est une grosse boule, dont les bords sont parfaitement résolus en direct. En vision décalée, l’amas est totalement résolu et forme un ensemble que je qualifierais de … duveteux. Le champ est riche en étoiles, mais aucune ne domine véritablement. On ne s’ennuie pas en tournant autour ! A 190x, M 2 reste très brillant, le piqué ressort davantage et l’amas semble plus étendu, le cœur est mieux résolu.

Changeons d’échelle : Messier 15, notre prochaine destination, est un énorme amas globulaire, qui pèse plus d’un million de masses solaires !

Sa grande taille facilite son repérage. Le cheminement vers M 15 est relativement simple : il suffit généralement de partir de la brillante Enif, à l’extrémité de Pégase, et de filer vers l’ouest. L’amas est déjà parfaitement visible au chercheur.

Messier 15 au Seestar S50, 46 minutes de pose

Au T250, à 100x, l’amas est entièrement résolu en vision directe, et sensiblement plus étendu que M 2. Quelques étoiles brillantes viennent enrichir le champ. A 180x, le noyau apparaît plus marqué, plus compact. C’est très certainement le joyaux de ce parcours !

Depuis M 15, nous allons remonter vers la constellation du Dauphin. La constellation est petite, et compte peu d’étoiles brillantes – Sualocin, la plus brillante, est de mag. 3.85 ; on compte par ailleurs quatre étoiles de magnitude inférieure à 4.5. Le Dauphin reste facile à retrouver en cherchant entre Enif et Altaïr.

Parmi les objets célestes remarquables dans la constellation, impossible de passer à côté de Gamma Del, magnifique étoile-double brillante, facilement séparée, même à faible grossissement. Les deux étoiles, respectivement de mag. 4.3 & 5, sont actuellement séparées de 9″, et se rapprochent doucement … car Gamma Del est une vraie double : les deux astres tournent l’un autour de l’autre en un peu plus de 3 000 ans.

Nous finissons ce tour du ciel avec un dernier amas globulaire : NGC 7006. Situé à 3° à l’est de Gamma Del, son repérage n’est pas très facile. Il faut dire que cet amas est loin … très loin … à environ 130 000 a.l. !

NGC 7006 au Seestar S50, 24 min. de pose

Baignant dans un champ riche en étoiles, l’amas apparaît au T250 comme une petite tache floue assez uniforme, qui se confond avec les étoiles brillantes qui l’entourent.

18 août 2025 : reflets étoilés dans la Lagune

Mes aventures étoilées de ce mois d’août 2025, décidément généreux en belles nuits, me conduisent à nouveau sur mon spot de Saint Masmes. J’y ai notamment chassé de la planète naine et de la supernova lointaine !

Un peu avant cette nuit du 18 août, j’avais réalisé une image un peu rapide de la nébuleuse de la Lagune, qui avait bien du mal à respirer dans le cadre plutôt étriquée du capteur du Seestar ; je n’avais pas vraiment pris le temps d’étirer le cadre, me retrouvant avec une image jolie, mais un poil frustrante…

J’étais donc décidé à offrir un peu d’espace à cette jolie nébuleuse. Je m’étais programmé une heure et demi de pose en mode mosaïque, ce qui devait me laisser un peu de temps pour faire également de l’observation en visuel derrière ma petite lunette.

Il est à peine 22h quand je m’installe, et les étoiles apparaissent déjà en nombre, grignotant le crépuscule de plus en plus tôt, preuve manifeste que nous approchons de la fin de l’été. Véga et ses copines se sentent moins seules ! Plein sud, les étoiles du Sagittaire commencent d’ailleurs à apparaître.

Arcturus, Altair et Mizar me permettent de caler la monture de la lunette, et mon premier coup d’œil de la soirée sera pour cette dernière, d’abord au Nagler de 13 mm, puis au 6.7 mm. (Juste pour mémoire et pour les amateurs de chiffres, ce soir, j’observe donc avec ma des grossissements de 28x et 54x.) Le piqué est très agréable, Mizar A&B sont séparés sans problème, et l’écart de magnitude entre les deux étoiles est sensible. La petite étoile peu brillante, située légèrement en décalé par rapport à Alcor et Mizar, est bien en place et dessine un joli triangle avec ses deux brillantes voisines.

Le ciel se remplit tranquillement : Pégase est bien en place, au-dessus de ma tête, le Cygne est déjà riche en étoiles, et le Sagittaire est maintenant au complet. Je m’aventure donc vers le ras de l’horizon sud, tout à la fois pour vérifier la qualité du ciel et celle de l’initialisation de la monture. M 22 va me servir de test. Après quelques gesticulations de l’AZ-GTi, l’amas apparait dans le champ du 6.7, pas tout à fait au centre. L’amas est résolu sans problème en vision décalée, moins évident en vision directe – le ciel n’est toutefois pas tout à fait noir. Je remplace le 6.7 par le 13mm, et de manière étonnante, la vision est moins bonne : l’amas se perd dans le fond du ciel, que le faible grossissement de l’oculaire fait remonter. Le champ est plus riche, quelques étoiles brillantes font leur apparition autour de l’amas, mais l’image était mieux résolue au 6.7mm.

En même temps que je lance mes acquisitions sur la Lagune, je m’enfonce un peu plus dans les brumes de l’horizon sud, vers M 6 et M 7, deux amas ouverts qui savent se monter particulièrement jolis quand on a la chance de les observer depuis l’hémisphère sud, mais qui ne dépassent pas les 9° de hauteur, au mieux, à nos latitudes… De fait, M 7 se résume à un paquet de 25 étoiles ondulant doucement dans la turbulence. La vision n’est pas vilaine, mais reste peu spectaculaire. M 6 n’est qu’à 7° au-dessus de l’horizon et se résume à une demi douzaine d’étoiles qui dominent un ensemble d’une quinzaine d’étoiles – ferait-on mieux avec plus de diamètre ?

Il est maintenant 22h30, et les premières tuiles de ma mosaïque s’assemblent tranquillement. La lunette poursuit sa balade sur l’horizon sud ; je pointe maintenant M 28, un tout petit mais brillant globulaire que j’aime bien traquer à côté de M 22. Au 13 mm, l’amas est même … trop petit : il se résume à une nébulosité marquée par un point brillant en son centre, mais n’est pas résolu. Au 6.7 mm, l’amas gagne en grain, mais perd au passage son côté pointu.

Je poursuis sur M 8 : au 6.7 mm, la vision est sympa, les nébulosités de part et d’autre de la bande sombre sont nettement visibles. Au 13mm, le fond de ciel reste un peu clair, la vision est moins détaillée. Mais le champ large du Nagler permet d’y glisser la Trifide et M 21. Joli !

Je remonte ensuite le long de la Voie Lactée, et croise M 17. La nébuleuse est brillante, et la vision au 6.7mm apporte du contraste et des détails, que je ne parviens pas à retrouver au Nagler. M 16 reste un objet décevant – dont je n’ai de toutes façons jamais été grand fan. On voit le triangle d’étoiles brillantes qui borde la nébuleuse, et en décalé, on devine un vague truc.

Je passe rapidement sur l’anecdotique M 26, et m’arrête beaucoup plus longuement sur M 11 : l’image au 6.7mm est plus riche qu’au 13 mm, et la dynamique de l’œil offre un vision bien différente de la photographie : l’étoile la plus brillante ressort davantage à l’avant d’un joli dégradé d’étoiles plus faibles. Le surnom de « canard sauvage » se justifie mieux à l’oculaire que derrière une caméra !

Et pendant que je grimpe le long de la Voie Lactée, la mosaïque de la Lagune continue de se construire… et je réalise que j’ai peut-être péché par gourmandise ! Ayant voulu élargir le champ de vision de mon image, je n’ai pas tenu compte de l’élargissement nécessaire … du temps de pose. Le Seestar doit en effet balayer plusieurs fois la zone à imager pour accumuler suffisamment de signal. Ce ne serait pas un problème si la Lagune n’avait pas déjà croisé le méridien, et entamé sa plongée dans le halo rémois… Les 90 minutes que j’avais prévues ne seront pas très efficaces. Tant pis, je prends date pour l’année prochaine !

M 8 et l’amas ouvert NGC 6544 (en bas), 45 minutes de poses cumulées au Seestar S50

Je mets le cap au nord, en direction de Cassiopée et Persée, pour conclure cette soirée. Même dans le petit diamètre de la lunette, NGC 7789 reste très très joli. Et le double-amas de Persée, dans le large champ du Nagler, est un feu d’artifice !

Le Seestar finit d’imager la nébuleuse Helix pendant que je commence à ranger la lunette. Mais je m’offre quand même un dernier regard panoramique le long de la Voie Lactée – sa visibilité se situe, ce soir quelque part entre « gros paquets brillants » et « impression barbapapa », que l’on ne croise que sous un ciel parfaitement noir. Derrière mes « Yeux de hibou » : Cr 399 – l’amas du Cintre – est bien visible, de même que la nébuleuse North America. Inconfortablement allongé sur le capot de la voiture, je m’offre une plongée entre les paquets brillants et les régions obscures de notre galaxie… Une plongée proprement vertigineuse !

Matériel utilisé : Seestar S50, Zenithstar 61 sur monture Az-Gti, jumelles Orion 2×50 « hibou »

Août 2025 : dans les pas de Pluton

S’il existait un prix distinguant les objets astronomiques aussi mythiques que peu spectaculaires, nul doute que Pluton le remporterait haut la main : moitié moins grosse que la Lune, perdue à plus de 5 milliards de kilomètres du Soleil, là où son feu brille d’un éclat mille fois moins fort que sur Terre, Pluton n’est visible que dans les plus gros télescopes.

Et quel spectacle cela doit être pour l’astronome qui s’aventurerait malgré tout à sa recherche, au-delà des planètes les plus lointaines … Pluton n’apparaîtrait que comme un point. Et on aurait beau grossir, Pluton resterait un simple point, perdu au milieu de beaucoup d’autres points.

Et pourtant, son histoire, de sa découverte en 1930, à sa déchéance en 2006, en a fait un astre proprement mythique. Nombreux continuent de s’inquiéter aujourd’hui de son sort, se demandant même si elle tourne encore autour du Soleil !

Je n’ai jamais observé Pluton… Je n’ai même jamais envisagé de tenter cette observation, ayant probablement peur de ne pas la distinguer des étoiles qui l’entourent. En revanche, ça fait déjà plusieurs années que je prévois de photographier son déplacement devant les étoiles, en reproduisant l’expérience qui avait conduit à sa découverte, il y a 95 ans.

Clyde Tombaugh, cherchant la 9ème planète sur ses plaques photographiques. Autre époque …

« Reproduire » n’est pas le terme exact, d’ailleurs : quand Clyde Tombaugh cherchait sa neuvième planète, il fouillait une botte de foin à peu près aussi grande que la voûte céleste, à la recherche d’une aiguille invisible dont il ignorait la taille…

Mon expérience apparaît en comparaison beaucoup plus modeste : marchant dans les pas de Clyde Tombaugh, je connais tout à la fois la position et l’éclat de Pluton. D’une certaine manière, j’ai juste besoin de me baisser pour la ramasser.

Toutefois, pour corser cette expérience photographique, j’ai utilisé un modeste Seestar. Et honnêtement, je n’étais pas tout à fait certain que ses 50mm de diamètre soient suffisants pour attraper Pluton. J’avais déjà imagé des étoiles d’un éclat voisin, et elles ne brillaient pas très fort.

Le 5 août, je m’installais sur mon spot préféré de Saint Masmes, sous un ciel dont la limpidité était troublé par une Lune généreusement gibbeuse. Les étoiles du Capricorne, où se cache Pluton, plutôt discrètes en temps normal, sont, ce soir, tout à fait invisibles.

Je lance toutefois mes acquisitions, et vois petit à petit l’image se dessiner à l’écran. A côté d’une paire d’étoiles relativement brillantes, Pluton apparaît, d’abord timidement, puis de plus en plus nettement, sans ambiguïté aucune. Et elle apparaît très exactement à la position calculée par mes applis. Je l’ai ! J’ai attrapé Pluton ! (Danse de la joie au pied de mes instruments)

Reste à transformer l’essai, et reproduire l’expérience quelques jours plus tard, pour la voir, cette fois, se déplacer devant les étoiles. Pas le lendemain, ni le surlendemain, car la Lune est bien trop présente, au beau milieu des étoiles du Capricorne. Je dois donc laisser la Lune filer, mais sans pour autant trop attendre, car Pluton risque de filer à son tour, et sortir de mon champ photographique.

Le 10 août, je parviens finalement à faire une nouvelle série d’images. Pluton n’est plus à côté de ses deux étoiles, mais se trouve un peu plus à droite dans le champ.

Déplacement apparent de Pluton, entre le 5 et le 10 août

Aucun doute, Pluton a bel et bien bougé ! On peut en tous cas voir les choses sous cet angle – d’une image à l’autre, aucun doute à avoir, on voit que Pluton s’est déplacée devant les étoiles !

Sauf que ce déplacement tient davantage du mouvement … de la Terre. Oui, c’est en réalité la conjugaison du mouvement de notre planète, beaucoup plus rapide, et la (toute relative) faible distance de Pluton qui nous offrent l’occasion de la voir se déplacer devant le fond étoilé situé des dizaines de milliers de fois plus loin. Un jeu de perspective en somme, et une magnifique expérience que je ne manquerai pas de retenter l’été prochain, histoire de m’assurer que Pluton ne s’est pas fait la malle en direction d’une autre étoile !