NGC 7331 et la supernova sn2025rbs

Le 14 juillet dernier, NGC 7331, une jolie galaxie située dans Pégase, a été le théâtre d’un extraordinaire feu d’artifice. On pourrait d’ailleurs parler de bouquet final : une étoile venait d’exploser près de son cœur ! NGC 7331 étant (relativement) proche de nous, sa supernova était déjà brillante au moment de sa découverte.

Relativement brillante : avec une magnitude de 13.8, elle est tout à fait invisible à l’oeil nu, et reste inaccessible en visuel dans mes instruments … mais théoriquement facile à photographier dans un instrument modeste.

Et en effet, il ne faut que quelques jours pour que je commence à voir apparaître les premières images faites avec … un Seestar. Je le rappelle au besoin, le Seestar, c’est 50mm de diamètre et 250mm de focale emballés dans une boite en plastique, avec pas mal d’électronique dedans. Un jouet, en somme … mais quel jouet !

Je décide donc de réaliser cette image avec le Seestar du planétarium. Mais il faut d’abord composer avec la météo. On imagine qu’en juillet, il fait toujours beau… Erreur, pendant toute la dernière quinzaine de juillet, la météo restera d’humeur maussade. Puis, quand celle-ci se décidera enfin à faire preuve de clémence, il faudra composer avec une Lune gibbeuse bien présente…

Je tente toutefois ma chance une première fois le 5 août, depuis Saint Masmes. Les conditions sont très moyennes : emprisonné dans un voile d’altitude, le halo lunaire occupe la moitié du ciel. Les étoiles brillantes sont rares, celles de Pégase sont à peine visibles, et je pense rentrer bredouille de cette soirée.

Mais j’ai fait le déplacement, donc lance quand même ma série d’images, ne serait-ce que pour justifier le voyage à travers les nids de poule de mon spot étoilé.

Et … ça marche !

NGC 7331, le 5 août 2025, au Seestar S50. 25 min. de pose.

La supernova est bien visible ! Elle apparaît même plus brillante que le cœur de la galaxie ! Il faut dire que depuis sa découverte, elle a gagné en éclat : sa magnitude atteint désormais 11.8, ce qui la rend théoriquement visible à l’oculaire.

Cette première réussite me donne envie de pousser un peu plus loin, et de refaire des images, avec cette fois plus d’ambitions, et plus de matériel : deux jours plus tard, le 7 août, je sors le C8 et la grosse caméra refroidie dans le jardin, en essayant de me rappeler comment cette hydre électronique et numérique fonctionne…

Étouffé par la technique, le premier jet est plutôt approximatif : sur mes images, la supernova est bien visible … mais les poussières du capteur font de grosses taches. Je n’ai pas pensé à faire de flats, mes images brutes sont sales… Je prends note et je prends date : la prochaine sortie sera la bonne !

Le samedi 9 août, je soigne un peu plus mon installation. Darks et flats sont prêts, je décide de raccourcir les poses photo, et je lance mes acquisitions :

NGC 7331 et sn2025rbs, le 9 août 2025, C8 et ASI 183MC Pro, 40 minutes de pose.

Il y a maintenant beaucoup plus de détails dans la galaxie, et la supernova se détache parfaitement du noyau, affichant même une teinte légèrement bleutée, signe que le thermomètre a dû grimper d’un seul coup, par là-bas.

Mission accomplie ! Ne reste plus qu’à y jeter un œil, cette fois à l’oculaire, quand la Lune aura pris le large…

Messier 71, un oublié du ciel d’été

Le ciel d’été est généralement synonyme de jolies nébuleuses, d’étoiles colorées ou d’amas pétillants, et il serait difficile d’établir la liste des joyaux estivaux disséminés entre le triangle d’été et le Sagittaire sans en oublier quelques-uns au passage.

Et pourtant, en voici un qui reste souvent sur le bord de la route, et qui regarde les astronomes passer sans lui accorder le moindre regard : Messier 71, un discret amas globulaire situé au milieu de la Flèche, constellation plantée dans la partie sud du triangle d’été.

Commençons par le commencement : Messier 71 (ou M 71, pour les intimes) est un amas globulaire. Un énorme paquet de milliers de vielles (très vieilles, même) étoiles. Un peu comme M 13 ou M 5, pour citer les plus connus. M 71 est juste moins gros que ces derniers. Beaucoup moins gros, même. Avec 43 000 masses solaires sur la balance, il pèse 15 fois moins lourd que l’amas d’Hercule, vingt fois moins que M 5. Et c’est vrai qu’à l’oculaire, la comparaison ne lui est pas forcément flatteuse…

M 71 (à gauche) et M 13 (à droite), à la même échelle

Et pourtant, voici quelques bonnes raisons d’aller lui rendre visite. Tout d’abord, la localisation : M 71 bénéficie d’un bel emplacement dans le ciel, au cœur du triangle d’été, ce qui en fait une cible facile à pointer. Il suffit de viser Gamma de la Flèche, la pointe de la constellation, et nous sommes presque arrivés !

M 71, dans la constellation de la Flèche (image : Stellarium)

Ce rapide voyage dans la pointe sud du Triangle d’été, que l’on peut entreprendre depuis Altaïr, un peu plus bas, nous conduit en plein dans la Voie Lactée. Et c’est là tout l’intérêt de M 71 : il flotte au milieu d’un riche champ d’étoiles. Parfois au risque de s’y perdre ! Je me souviens de très belles observation en grand champ, derrière ma lunette de 80mm : l’amas était tout juste résolu, et se détachait bien du fond de ciel. Paradoxalement, l’observation au Dobson était un peu plus décevante : le grossissement avait tendance à écraser le contraste, et M 71 se perdait dans la masse.

M 71, photographié le 10 juillet 2025 au Seestar S50

Vous remarquerez par ailleurs que son cœur est peu condensé, que la distribution des étoiles semble assez homogène. M 71 a besoin d’air, d’espace, pour s’exprimer pleinement ! Il s’agit donc de trouver le bon dosage : un trop fort grossissement a tendance à l’étouffer, tandis qu’on risque de le perdre dans un champ trop large.

Mais avant de rendre visite à M 27 ou Albireo, il serait dommage de ne pas lui accorder ce coup d’œil !

28 juin 2025 – promenade dans la Voie Lactée depuis Saint-Masmes

Ce pourrait être l’histoire de deux instruments qui n’avaient pas vu les étoiles depuis longtemps et qui se sont retrouvés sous le clair de Lune, un beau soir d’été. Télescope, de l’aveu de Christelle, sa propriétaire, n’avait pas vu la lumière du jour depuis plusieurs mois. Et Lunette, ma fidèle Megrez 80, n’était pas sortie de sa valise en toile depuis … des années. Que de temps à rattraper !

Ne parlant pas couramment le télescope, je ne sais pas ce qu’ils ont pu se dire, ces deux-là. Mais ce qui est certain, c’est qu’ils ont eu bien du temps pour discuter avant que la nuit ne tombe.

Oui, nous sommes le 28 juin, c’est le début de l’été, la période des nuits courtes et des crépuscules interminables. D’ailleurs, quand nous installons notre matériel, malgré l’heure avancée, les étoiles se comptent encore sur les doigts d’une main : Véga, Arcturus, Capella, peut-être…

Heureusement, pour nous faire patienter, il y a le croissant de Lune, et, pas très loin, à sa droite, Mars. A condition toutefois de bien chercher, car la planète rouge est loin de la Terre ; à cet instant, elle est à peine visible à l’œil nu. De l’autre côté de la Lune, dans la direction exactement opposée, Mercure est plus brillante. Mais sa position, au ras de l’horizon, dans les lumières du couchant, ne la rend pas plus facile à repérer que sa voisine cuivrée. Les deux planètes sont toutefois trop lointaines et trop petites pour que l’on distingue le moindre détail.

La Lune, Mars et Mercure perdues dans le dégradé bleu-orange du ciel, voilà pour la mise en bouche. Maintenant que les étoiles se font plus nombreuses, il est temps d’entamer notre programme. Au menu de celui-ci, de grands classiques du ciel d’été, avec du brillant, du spectaculaire, du qui pique et du qui craque !

M 5 est notre première cible de la soirée. Encore un peu engoncé dans la grisaille, ce joli globulaire est tout juste résolu et peine, à cet instant, à rivaliser avec M 13. Il faut dire que ce dernier est beaucoup plus haut et, de fait, beaucoup plus facile à détailler. Au Dobson, il est résolu de la périphérie jusqu’au coeur.

D’Hercule, nous redescendons vers le Triangle d’été, en révisant nos gammes : M 57 et M 27, les deux nébuleuses planétaires, se détachent sans problème du fond de ciel, tandis qu’Albiréo fait scintiller ses jolies couleurs devant le fond étoilé de la constellation du Cygne.

Nous piquons vers le sud, en direction de M 11. Nous suivons les cataractes d’étoiles qui glissent au milieu de nébuleuses obscures, jusqu’à M 24.

En chemin, nous avons pu croiser M 17, la Lagune et la Trifide :

M 17 (à gauche), M 8 (au centre), M 21 et M 20 (à droite) – images réalisées au Seestar

Derrière le Dobson, nous jouons du filtre UHC et du bon grossissement pour trouver la combinaison qui donnera le meilleur contraste et fera ressortir un maximum de détails. Dans le même temps, afin de donner un peu de matière visuelle à ce récit, je lance quelques images au Seestar. Il y a un côté quasi-magique à voir les images apparaître en seulement quelques dizaines de secondes. Magique et hypnotique, ce qui nous ferait presque oublier que nous avons aussi des instruments et des yeux …

Au-dessus de notre tête, les étoiles sont de plus en plus nombreuses ; aux jumelles, la Voir Lactée moutonne sous le regard de plus en plus assoupi de Christelle.

Après un dernier coup d’oeil sur NGC 7789, et quelques dernières images, il est donc temps de remballer tranquillement Lunette et Telescope, et de laisser la faune nocturne profiter du ciel étoilé (aurai-je bien vu un sanglier tourner prudemment autour de moi au moment de prendre mes dernières photos ?).

Les Dentelles du Cygne

Les Dentelles du Cygne … Tout est dans le nom ! Les anglo-saxons l’appellent parfois le Voile de la Mariée… Oui, on est ici dans le subtil, le fin, le léger. Le genre d’objet céleste que l’on imagine sans peine se dissimuler à notre regard. Une « fine cascade de lumière se jetant dans le vide de l’espace, glissant d’étoiles en étoiles », pour reprendre les mots de Kelvin McKready (qui savait faire parler les étoiles).

Un objet céleste aussi discret qu’étendu, qui s’étale dans le ciel d’été sur plusieurs diamètres de Pleine Lune ; clairement, les Dentelles ne s’offrent pas aux forts grossissements des très gros télescopes, mais se réservent aux amateurs de champs larges, aux amoureux de grands espaces.

Je me rappelle très bien de l’une de mes premières observations des Dentelles du Cygne, en 2005, depuis un coin de ciel noir perdu dans la campagne lozérienne. Parti avec une modeste lunette de 80mm, quelques oculaires, et un indispensable filtre UHC, je découvrais sans effort – mais un peu surpris quand même – les deux composantes de la nébuleuse.

La Grande Dentelle, photographiée depuis Reims en juin 2025.

La boucle la plus brillante, la Grande Dentelle, située plus à l’est, se détache sans aucune difficulté d’un fond de ciel particulièrement riche en étoiles.

Plus à l’ouest, la Petite Dentelle est moins brillante, et nécessite d’écarquiller un peu plus les yeux. Le fin pinceau de lumière semble traverser la brillante 52 Cygni, mais ne nous y trompons pas : l’étoile est en avant-plan, alors que la nébuleuse est située à plusieurs centaines d’années-lumière, loin, très loin derrière…

Le Triangle de Pickering, la Petite Dentelle et l’étoile 52 Cygni – Reims, juin 2025

Lors de cette observation estivale, j’avais été particulièrement surpris de découvrir le Triangle de Pickering (visible sur le haut, à gauche de l’image). Je pensais alors cette partie de la nébuleuse inaccessible dans un instrument aussi modeste que ma petite lunette !

Par la suite, j’ai souvent recroisé les Dentelles du Cygne, les croquant parfois de la pointe de mon crayon, ou plus simplement du coin de l’œil, essayant à chaque de saisir quelques détails supplémentaires ; quelques atomes d’élégance suspendues aux étoiles du ciel d’été !

Les images ont été réalisées depuis mon jardin de Reims, au Seestar S50. Chaque image représente environ une heure de pose.

2 juin 2025 – Auroruscule à Saint-Masmes

Il faut commencer par fixer le point de départ de notre histoire du soir : tout commence trois jours plus tôt, à 150 millions de kilomètres de Saint Masmes. A la surface du Soleil, pour être exact. Là, la région active AR4100, un magnifique groupe de taches solaires, connait une brusque poussée de fièvre : une éruption longue de plusieurs heures, qui envoie une grosse bouffée de particules chargées dans l’espace, droit vers la Terre. Une vraie tempête en approche !

La tempête est attendue pour le dimanche soir, mais arrivera finalement beaucoup plus tôt, dès la fin de matinée. Invisible pour nous, elle régalera néanmoins les observateurs nord-américains, placés aux premières loges pour assister au spectacle.

J’assiste donc à ce premier acte par écran interposé, et au gré des alertes, espère que le spectacle se prolongera encore un peu. Le dimanche soir, la météo n’est toutefois pas favorable. Je tente malgré tout une première sortie à Saint-Masmes … une sortie qui me verra scruter les rares bouts de ciel visibles entre les nuages, à la recherche d’un bout de lumière rosée.

Première sortie : retour bredouille.

Le lundi, les indicateurs sont encore bons, la tempête est toujours active, bien que de plus faible intensité. Une amélioration notable, toutefois : la météo a changé de couleur, et a troqué le gris pour le bleu. Me revoilà donc reparti à Saint-Masmes avec jumelles, Seestar et appareil-photo, et la volonté de voir des trucs dans le ciel.

Je suis accueilli par le chant des alouettes et par un joli quartier de Lune. Celui-ci sera ma seule compagnie pendant près d’une heure.

Nous sommes au début du mois de juin, et à l’approche de l’été, le crépuscule s’étire au point de laisser penser que la nuit n’arrivera jamais.

J’en profite pour réaliser quelques images d’ambiance crépusculaire. Les derniers nuages se dissipent, les étoiles apparaissent progressivement, malgré un ciel moyennement transparent. Pas de trace d’aurore sur mes images. Tant pis, je me contente de faire mon intéressant.

Le Seestar et moi-même avons alors le regard tourné vers le Triangle d’été. Je décide de tuer le temps en lançant une capture de Cr 399, l’amas du Cintre. Un travail de mosaïque qui occupera le Seestar pendant une bonne heure.

Cr 399, au Seestar, en mode « frame » – 40 minutes de pose au total

Dans le même temps, je suis l’évolution de la tempête. Les indicateurs ne sont pas mauvais, sauf un : la densité de particules reste très faible, insuffisante pour provoquer des aurores brillantes. Il y a bien une aurore, là, juste sous mes yeux, mais elle est invisible à l’oeil nu, et il faudra jouer sur les curseurs de mes logiciels de retouche pour réussir à faire ressortir une pâle lueur, sans structure remarquable.

Oui, sur la cette dernière image, on devine une tache rose qui n’était pas présente en début de soirée. Une aurore qui se fond dans le crépuscule, dont on pourrait croire qu’elle émane de la guirlande d’éoliennes situées au loin. Mais j’avoue ma triche : sans retouche d’image, l’aurore serait restée absolument invisible.

3 juin 2025